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Accéder aux marchés publics de l'Italie

L’Italie, l’une des plus grandes économies du monde, est à élaborer des plans ambitieux pour renouveler ses infrastructures publiques. Elle prévoit des investissements dans les réseaux ferroviaires et routiers, les installations portuaires et les hôpitaux, et elle compte aussi rattraper une partie du retard dans son économie numérique.

Les entreprises canadiennes pourront dorénavant présenter des soumissions pour un grand nombre de ces projets, grâce à l’accès amélioré aux marchés publics que leur procurera l’Accord économique et commercial global (AECG).

Cependant, faire des affaires en Italie peut ressembler à un parcours du combattant pour les compagnies étrangères en raison d’une bureaucratie lourde, de la multiplication des paliers administratifs, des obstacles que posent la langue et la culture et d’un milieu des affaires exigeant.

Une étude commandée par l’ambassade du Canada en Italie aide maintenant les entreprises canadiennes à relever les nombreux défis que présente le pays et à profiter de la foule de possibilités qu’offrent ses marchés publics.

Même si l’Italie peut être un marché difficile d’accès, l’étude réalisée par l’École de gestion de l’Université Bocconi de Milan laisse entrevoir que des changements et des améliorations à l’administration publique du pays sont en vue. Il existe d’innombrables possibilités pour les PME canadiennes innovatrices qui désirent établir des partenariats avec des entreprises locales et dénicher un créneau.

« Nous parlons ici d’une économie dont la taille est de 30 p. 100 supérieure à celle du Canada, qui fait partie de nos plus grands marchés d’exportation et qui continue de croître », affirme Patrizia Giuliotti, déléguée commerciale à l’ambassade responsable des secteurs de l’énergie, de l’environnement, de l’infrastructure et du bâtiment écologique. « Un grand nombre des infrastructures publiques du pays — les routes, les ports, les aéroports, les transports locaux, les stations d’épuration, les hôpitaux — doivent être renouvelées, et cela se fera au cours des prochaines années. »

Selon l’étude de l’Université Bocconi, le Plan stratégique du gouvernement pour les infrastructures, qui englobe les routes, les autoroutes, les chemins de fer, les métros, les ports, l’infrastructure hydraulique et les réseaux énergétiques, est estimé actuellement à environ 231 milliards d’euros.

L’ambassade a commandé l’étude, indique Mme Giuliotti, afin d’améliorer l’accès des entreprises canadiennes à ce lucratif marché d’approvisionnement et d’accroître leurs chances de s’y tailler une place, principalement à la lumière de l’AECG.

Le rapport, dont les grandes lignes sont présentées dans un guide et un webinaire sur le site Web de l’ambassade, note le degré élevé de fragmentation du secteur public italien, tant sur le plan des institutions, où différents paliers administratifs sont dotés de pouvoirs qui se contredisent et se chevauchent souvent, que sur le plan organisationnel, où abondent les petites organisations.

« L’Italie est un pays ayant une économie avancée et une infrastructure techniquement évoluée. Ce ne sont pas les occasions qui manquent, mais le marché est complexe et il faut savoir comment l’aborder », explique Mme Giuliotti, ajoutant qu’il est particulièrement important pour les entreprises étrangères de s’associer à des partenaires locaux pour réussir.

« Il faut savoir comment faire les choses dans un contexte italien, met-elle en garde, et de simples erreurs peuvent avoir bien des répercussions », surtout en raison de l’accent mis par les Italiens sur les formalités et l’exactitude du libellé des contrats, par exemple.

L’Italie en chiffres

• L’Italie, avec une population de 60 millions d’habitants, est la 9e économie mondiale en importance.

• Les Italiens jouissent d’un niveau de vie élevé et ont un PIB par habitant nominal élevé (34 103 $ US en 2013).

• Le commerce bilatéral entre le Canada et l’Italie a augmenté de 12 p. 100 en 2013. Pendant les six premiers mois de 2014, les exportations du Canada vers l’Italie ont progressé de 200 p. 100, ce qui en a fait notre 7e marché d’exportation.

• En 2012, les marchés publics italiens ont représenté :

• Les municipalités italiennes ont dépensé 19 milliards d’euros en 2012, surtout pour l’entretien des infrastructures et des immeubles. Les autorités locales de santé ont dépensé 19,9 milliards d’euros.

• Le Plan stratégique pour les infrastructures du gouvernement de l’Italie prévoit des investissements considérables dans les routes, les chemins de fer, les ports, l’infrastructure hydraulique et les réseaux énergétiques. Ces projets sont actuellement évalués à 231 milliards d’euros.

Emmanuel Kamarianakis, délégué commercial principal à l’ambassade, ajoute qu’une des principales clés du succès pour les entreprises canadiennes qui veulent obtenir des marchés d’approvisionnement en Italie consiste à travailler avec un partenaire local. « Ce sont les Italiens qui savent le mieux comment s’y retrouver dans le dédale de règlements régissant les marchés d’approvisionnement du pays et comment travailler dans ce milieu. »

Les compagnies canadiennes actives dans le domaine des marchés publics fournissent surtout des services-conseils et des technologies pour les projets, souligne-t-il. Le commerce bilatéral entre le Canada et l’Italie a affiché une solide croissance de 12 p. 100 en 2013. La même année, le Canada a exporté pour 1,96 milliard de dollars à destination de l’Italie, et en a importé pour 5,8 milliards.

Il y a eu une hausse considérable des chiffres en 2014, remarque Kamarianakis, une croissance de plus de 200 p. 100 ayant été enregistrée de janvier à juin, de sorte que l’Italie arrive actuellement au septième rang parmi nos marchés d’exportation.

« L’Italie demeure une économie importante et un acteur majeur à l’échelle mondiale, ce qui représente des possibilités considérables pour les Canadiens du point de vue tant de l’exportation et de l’investissement que de l’innovation », poursuit-il.

Un des principaux avantages de l’AECG sera l’amélioration de l’accès aux marchés publics en Europe, fait-il remarquer. « L’Italie est un des marchés les plus grands et les plus importants pour les achats gouvernementaux. C’est un marché qui pose des défis, mais qui pourrait être extrêmement lucratif. »

Une des plus grandes sociétés canadiennes actives dans le secteur des marchés publics en Italie est Golder Associates. Spécialisée dans les services professionnels, l’entreprise basée à Toronto mène des activités dans 35 pays. Golder fournit des services dans les domaines des sciences de la terre, des solutions géotechniques et des services environnementaux à différents secteurs, allant des réseaux de transport à la gestion des déchets et de l’eau.

Jean-François Bolduc, président de Golder Europe Holdings Inc., indique que Golder Associates Italy, qui compte quelque 200 employés et sous-traitants, et qui est en exploitation depuis près de 25 ans, est la plus importante société d’experts-conseils en environnement en Italie. Le succès de l’entreprise est attribuable en grande partie au fait qu’elle est gérée et dirigée par une équipe forte et bien structurée de gestionnaires et de partenaires italiens.

« Notre entreprise est locale, nous connaissons les besoins de l’industrie ainsi que les règlements nationaux et régionaux, et nous savons ce qu’il faut faire pour satisfaire toutes les parties intéressées, fait-il valoir. Tout cela exige une présence à long terme dans le pays. »

Golder utilise les compétences techniques de son vaste réseau international pour soutenir ses activités en Italie. Ses cadres supérieurs élaborent la stratégie d’affaires et d’exécution qui convient d’après leurs connaissances des organismes de réglementation locaux, et ils ont des relations d’affaires qui permettent de tirer parti des nombreuses possibilités que présente l’Italie, dit-il. « Le pays offre d’importantes occasions d’affaires pour Golder. »

Selon Golder, l’Italie est aussi un bon tremplin vers d’autres marchés, par exemple, l’Afrique, l’Asie centrale et le Moyen-Orient. « Il y a un réel avantage à suivre l’expansion d’entreprises italiennes à l’échelle internationale », affirme M. Bolduc, qui ajoute qu’il est important d’établir des relations privilégiées avec des clients pour profiter des possibilités d’affaires qu’ils peuvent leur ouvrir à l’étranger. « Les compagnies italiennes veulent investir à l’étranger et elles aiment s’associer à des fournisseurs de qualité présents en Italie. »

Une entreprise beaucoup plus petite, Magma Energy Italia, implantée à Arezzo, en Italie, réalise des projets géothermiques dans le pays. Elle tire son épingle du jeu en tant que composante d’un partenariat entre une entreprise canadienne et une entreprise italienne. Magma, qui compte sept employés à plein temps, détient actuellement les droits de deux sources géothermiques près de Larderello, en Toscane, une région reconnue depuis longtemps pour sa production d’énergie géothermique.

Son PDG, Fausto Batini, raconte que l’entreprise a été créée en 2010 par Alterra Power Corp., basée à Vancouver, mais qu’elle s’est butée à la difficulté d’obtenir des approbations des autorités locales pour ses activités d’exploration. Entravé par la lourdeur bureaucratique, le processus d’approbation demandait plusieurs années de plus que des projets semblables réalisés par Batini, notamment aux États-Unis.

« Le processus d’autorisation ne se déroule pas toujours rondement, et il arrive que les règles changent en cours de route », fait-il savoir, ajoutant que les choses se sont améliorées lorsque Alterra a fusionné, l’an dernier, avec Graziella Green Power, une société ayant son siège à Arezzo.

Magma prévoit produire de l’énergie géothermique dans environ trois ans, ajoute M. Batini, faisant remarquer que l’énergie renouvelable est l’un des nombreux secteurs italiens dans lesquels les occasions de marchés publics sont énormes.

« Les entreprises étrangères rencontrent en Italie de nombreux obstacles, mais celles qui parviennent à les surmonter peuvent connaître du succès », affirme Veronica Vecchi, professeure en gestion publique à l’Université Bocconi et co-auteure de l’étude réalisée pour l’ambassade du Canada.

Mme Vecchi, spécialiste en marchés publics et en partenariats public-privé (PPP), explique que les contrats « de nature politique » existent depuis fort longtemps en Italie. Par conséquent, le développement des infrastructures s’est fait « de piètre façon et à un coût très élevé, ce qui explique le retard qu’accuse le pays dans ce domaine ».

Pour attirer les investissements étrangers, le gouvernement fait maintenant « un effort colossal » pour réduire la corruption, la collusion et d’autres risques d’ordre moral, fait-elle remarquer. « Nous avons désespérément besoin d’accroître la concurrence — une concurrence qui se fonde sur le savoir-faire et la capacité d’innover — pour développer les infrastructures de façon appropriée. »

Le changement est difficile, notamment parce qu’il exige une « révolution culturelle » et parce qu’il va à l’encontre des structures de pouvoir profondément ancrées dans les institutions et la société, renchérit-elle. « Le système est si complexe et la bureaucratie si forte et si enracinée qu’il est impossible de changer complètement la structure administrative, du moins à court terme, malgré un changement au niveau politique. »

En raison de la culture judiciaire dominante parmi les autorités et du nombre élevé de litiges, l’approche des marchés publics est extrêmement formelle, même si la majorité des règles devraient s’inspirer largement des directives de l’Union européenne et se fonder sur des principes plutôt que sur des règles rigides, indique-t-elle. « En raison de cette réalité, il est certainement plus difficile d’attirer de nouveaux acteurs, même de l’étranger. »

Étant donné la dette publique élevée de l’Italie, on reconnaît que les partenariats public-privé (PPP) sont « possiblement le seul moyen de combler les lacunes en infrastructures de façon plus efficace », dit-elle, en ajoutant qu’il faudrait toutefois que ces projets soient exécutés avec le plus de transparence possible et selon de nouvelles approches. Fort de son expertise en PPP, le Canada pourrait « amener en Italie de nouvelles compétences utiles pour favoriser l’achèvement des projets et stimuler l’innovation sur le marché des infrastructures. »

Selon Mme Giuliotti, les marchés publics peuvent être un tremplin vers d’autres secteurs, comme l’industrie manufacturière. Elle fait remarquer que l’Italie se concentre en particulier sur le « domaine numérique », dans lequel elle accuse un retard par rapport à d’autres pays. « Le Canada a beaucoup à offrir dans le domaine des TIC. »

Il est important que les entreprises canadiennes consacrent des ressources et du temps au marché italien et qu’elles soient présentes localement, conseille-t-elle. « On ne peut tout simplement pas tout faire en ligne. » L’aide du Service des délégués commerciaux (SDC) est aussi essentielle pour réussir en Italie, ajoute-t-elle. « Nous connaissons le pays, nous connaissons les acteurs, nous connaissons la législation. Nous pouvons vous conseiller sur la façon de faire des affaires ici. »

M. Batini indique que son entreprise est reconnaissante de l’aide et du soutien qu’elle obtient du SDC qui va de l’organisation de réunions avec le ministère du Développement économique de l’Italie à l’invitation de Magma aux événements et conférences sur l’énergie renouvelable.

Le rapport de l’Université Bocconi sera utile aux investisseurs et aux sociétés qui cherchent à faire des affaires en Italie, ajoute-t-il, faisant remarquer qu’il faut être patient et déterminé pour composer avec les complexités du pays.

« Le potentiel est là », conclut-t-il.

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