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Service des des délégués commerciaux du Canada

Se préparer à percer le marché de l'Union européenne

Le marché européen, qui compte 28 pays et plus de 500 millions d’habitants, est la plus grande économie du monde. Ce marché présente donc des possibilités formidables pour les exportateurs canadiens. Toutefois, les grandes disparités qui existent au sein de l’Union européenne (UE), la multitude de marchés sous-régionaux et les goûts des consommateurs exigeants peuvent en faire une destination commerciale remplie de défis.

Le Canada et l’UE se préparent à mettre en œuvre l’entente historique que constitue l’Accord économique et commercial global (AECG). C’est donc le moment pour les entreprises de se préparer à s’implanter sur le marché très diversifié de l’Europe, selon les spécialistes. Une nouvelle étude montre d’ailleurs aux entreprises novatrices la voie à suivre pour réussir sur ce marché complexe mais lucratif.

« L’UE est d’une grande complexité; il ne faut pas supposer que ce qui a fonctionné au Canada fonctionnera dans l’UE », affirme la directrice associée du Centre du commerce mondial du Conference Board du Canada, Danielle Goldfarb. Un rapport récent, dont elle est la coauteure, analyse comment les entreprises canadiennes ont réussi par le passé dans l’UE et comment elles pourront tirer le meilleur parti possible de l’AECG lorsqu’il entrera en vigueur. « Les expériences passées nous donnent des indications sur celles qui ont le plus de chances de réussir. »

Les auteurs de cette étude sans précédent ont cerné certaines des stratégies commerciales utilisées sur le marché de l’UE. Ils ont constaté que les exportateurs font grimper les ventes de leurs entreprises en exportant vers l’UE, mais non leurs bénéfices à court terme. L’innovation et la présentation fréquente de nouveaux produits, surtout s’ils sont adaptés aux sous-régions, sont également un « facteur tout à fait déterminant », précise Mme Goldfarb. « C’est un très grand marché, et très riche, mais il faut bien s’y prendre. Si on veut tirer parti de l’AECG, il ne faut pas voir l’UE comme une entité homogène. »

L’AECG est considéré comme l’initiative commerciale la plus ambitieuse du Canada, qui l’an dernier s’est entendu avec l’UE sur le libellé de l’Accord. Celui-ci ouvrira les portes du marché de l’UE, qui affiche annuellement une activité économique de presque 18 billions de dollars, en supprimant les droits de douane et, surtout, plusieurs obstacles non tarifaires appliqués aux biens, aux services et à l’expertise du Canada. L’Accord donne au Canada un accès préférentiel à ce marché, dont ne profitent pas nos concurrents d’autres pays.

Selon Mme Goldfarb, le commerce entre le Canada et les États-Unis ayant plutôt stagné dans un passé récent, il est important pour les entreprises canadiennes de réussir dans l’UE. L’analyse montre une nette augmentation de nos échanges commerciaux avec l’UE d’ici 2025.

Mme Goldfarb rappelle que le Canada a des liens historiques et culturels avec l’Europe et qu’il entretient des relations commerciales importantes sur le marché de l’UE, qui se caractérisent surtout par la vente d’expertise et de services, notamment dans les domaines de l’informatique et des TI, des services financiers, de l’assurance, de l’architecture, du génie et d’autres services techniques.

Desjardins, le plus important groupe financier coopératif au Canada, a ouvert il y a trois ans un bureau de représentation européen à Paris dans le but d’aider les clients canadiens qui font des affaires dans l’UE ainsi que les entreprises européennes qui souhaitent s’installer en Amérique du Nord. Mme Lucia Baldino, gestionnaire principale du bureau, signale que tout se passe bien et que les affaires sont en « plein essor », malgré le ralentissement économique qui sévissait en Europe au début des activités.

Selon Mme Baldino, le bureau fournit des conseils et des renseignements sur les marchés, aide les entreprises à comprendre les cultures et les coutumes en Europe et offre des renseignements sectoriels. Le bureau a également repéré des partenaires potentiels pour des entreprises et organisé une mission commerciale et des séminaires pour que des clients puissent rencontrer des acheteurs potentiels, en plus d’aider les entreprises à avoir accès à du financement dans l’UE.

Mme Baldino souligne que l’industrie des services financiers et le contexte des affaires de l’Europe peuvent être complexes, notant que l’établissement de contacts est essentiel. « Au Canada, on peut lâcher un coup de fil et parler directement au PDG d’une entreprise, alors qu'en Europe, les réseaux et les présentations sont très importants. »

Elle est par ailleurs convaincue que, grâce aux mesures d’élimination des droits de douane et d’autres obstacles, l’AECG aidera les entreprises à accroître leurs ventes en Europe et y facilitera la conduite des affaires, mais avertit « qu’elles doivent être préparées. » Il est important d’établir des relations au moyen de visites sur le marché cible, d’investir du temps et de trouver des partenaires locaux, fait-elle valoir.

En ce qui concerne les produits, les entreprises doivent accorder une attention particulière aux exigences en matière de santé et d’environnement et examiner les lois et les règlements, conseille-t-elle. « Les avocats sont légion », fait-elle savoir, et ils peuvent orienter leur pratique sur un pays en particulier ou sur l’ensemble de l’Europe.

« Les produits canadiens sont considérés comme sûrs, ils sont d’excellente qualité, et les Européens les accueillent favorablement », dit-elle, ajoutant qu’il est essentiel de les adapter en fonction des règles locales et de tenir compte de l’étiquetage et des opérations avec les courtiers en douanes et les spécialistes de la logistique. « Ces processus doivent être fondés sur un engagement à long terme. »

Selon Caroline Charette, déléguée commerciale principale à l’ambassade du Canada à Paris, les entreprises devraient examiner sans tarder les dispositions de l’AECG pour voir ce qu’elles signifient pour elles, notamment dans leurs secteurs d’activité.

« Implantez-vous tout de suite et nouez des relations de façon à ce que, aussitôt qu’une occasion se présente, vous ne commenciez pas à zéro, conseille-t-elle. N’attendez pas les signatures et la mise en œuvre officielles. »

Mme Charrette ajoute que certaines entreprises seront surprises par ce qu’elles vont découvrir en Europe, par exemple que la France est une économie hautement technologique et orientée vers l’innovation, ce qui rehausse les atouts du Canada. « Le Canada n’est pas seulement le pays de la police montée et du sirop d’érable, dit-elle. Et en France, si vous ne proposez pas quelque chose d’unique et d’innovant, les gens risquent de trouver un substitut juste à côté. »

L’Europe s’attend à de la qualité, à de l’inédit et à des normes élevées en ce qui concerne les produits de consommation, affirme Mme Charrette, et les entreprises doivent se conformer à toutes les formalités administratives. « Cela peut être très bureaucratique, et nous n’y sommes pas habitués. Ne vous laissez pas prendre au dépourvu. »

« En Europe, les sous-marchés régionaux présentent une réelle diversité, explique Mme Goldfarb, contrairement aux États-Unis où, dès que vous avez traversé la frontière, vous trouvez un marché relativement homogène ». En effet, l’étude du Conference Board a montré que la réussite des entreprises canadiennes aux États-Unis n’a pas d’effet statistique significatif sur leurs résultats en Europe, bien que l’expérience du marché canadien soit utile en raison de nos normes et de l’esprit critique de nos consommateurs.

Améliorer les produits et présenter de nouveaux éléments sont « un indicateur très important de réussite et de longévité », ajoute Mme Goldfarb. Pour cela, l’entreprise peut devoir modifier, en fonction de la région, la taille, l’emballage et les caractéristiques du produit telles que la quantité de sucre. Une entreprise peut également ajouter au produit un volet prestation de services de façon à attirer une forte demande de services parmi les Européens.

Les Canadiens devront fort probablement encore se soumettre à des règles et à des règlements sous le régime de l’AECG, et il sera d’une importance cruciale qu’ils respectent les normes de l’UE, souligne Mme Goldfarb. En vertu de l’Accord, les organismes de réglementation du Canada pourront certifier au préalable un éventail restreint de produits conformément aux spécifications européennes, avant leur départ du Canada.

Steve Spicer, qui est directeur général des ventes et de la commercialisation en Europe pour Ocean Choice International, une société de St. John’s, Terre-Neuve, qui vend des poissons et des fruits de mer, indique qu’il existe une forte demande pour ses produits sur divers marchés européens. Mais d’après lui, la suppression des droits de douane ouvrira de nouveaux débouchés pour des produits qui, actuellement, n’ont pas l’habitude de se vendre en Europe. « C’est un moment palpitant. »

Les espèces qui se vendent et les préférences de format de produit varient d’un pays européen à l’autre, précise-t-il, mais tous les produits bénéficieront de l’AECG. Par exemple, la France est un grand marché pour les pétoncles et la chair de pétoncle, l’Italie achète du homard canadien, et le Portugal importe des poissons plats comme la plie canadienne et la limande à queue jaune. M. Spicer s’attend à ce que l’AECG suscite un intérêt plus grand à l’égard des produits de la mer canadiens sur tous les marchés européens.

Selon lui, l’AECG, qui entraînera la suppression immédiate des droits de douane, dont le taux oscille entre 6 et 20 p. 100 pour presque tous les produits de la mer canadiens, sera de manière générale une bénédiction pour son entreprise. « L’Accord nous place sur un pied d’égalité avec d’autres territoires ou pays de pêche tels que le Groenland et l’Islande, ce qui devrait très certainement nous aider. »

Le chiffre d’affaires annuel d’Ocean Choice dépasse 200 millions de dollars, et environ le tiers de ses activités ont cours actuellement en Europe. Les ventes au Canada se sont plus ou moins stabilisées, alors que l’Europe reste un marché porteur, souligne M. Spicer. L’entreprise mise sur de meilleures perspectives de vente au détail après la suppression des droits de douane, et elle compte mieux faire ressortir sur l’étiquetage la provenance canadienne de ses produits de la mer ainsi que leur qualité et leur durabilité. « Nous voulons hisser un peu plus haut le drapeau canadien. »

L’ouverture d’un bureau européen en Angleterre fait partie des stratégies de réussite adoptées par Ocean Choice. « Cela aide d’être plus près du marché parce qu’il faut nouer des liens pour comprendre ce que les consommateurs et les marchés attendent », explique M. Spicer. Il ajoute qu’il faut également bien informer les gens sur les exportations canadiennes. « À l’extérieur du Canada, plusieurs ne saisissent pas l’ampleur des possibilités. »

Il souligne que le Service des délégués commerciaux (SDC) du Canada a fourni une aide précieuse en se chargeant de faire des présentations, d’accueillir une délégation commerciale et d’organiser des rencontres, autant d’activités qui sont destinées à « faire monter le Canada à un rang supérieur dans l’esprit de nos interlocuteurs. »

L’Europe se divise en marchés arrivés à maturité, comme l’Angleterre et l’Allemagne, et en marchés émergents, comme les anciens pays de l’Est, note Mme Goldfarb. L’étude du Conference Board montre que les entreprises canadiennes qui se sont lancées d’abord sur les marchés émergents, sans expérience commerciale antérieure au Canada ou aux États-Unis, risquaient davantage l’échec; à l’inverse, celles qui ont démarré d’abord sur des marchés européens arrivés à maturité ont obtenu de meilleurs résultats.

D’après Mme Goldfarb, les Canadiens doivent mieux comprendre l’Europe, s’y rendre, tisser des liens avec des Européens, établir la présence locale de leurs entreprises et asseoir leur crédibilité. « Il ne s’agit pas simplement de traiter la commande d’une entreprise européenne en espérant que tout ira pour le mieux ». Elle ajoute que des outils et des services tels que le SDC et les associations de gens d’affaires peuvent aider les entreprises à apprendre à se distinguer de la concurrence.

Pour Mme Charrette, les pays et les régions de l’UE offrent des services susceptibles d’aider les entreprises étrangères à y investir ou à y faire du commerce. C’est le cas d’Investir en France, un organisme gouvernemental qui a pour mandat d’attirer les investissements. Le SDC est particulièrement bien placé pour appuyer les entreprises, secteur par secteur, et les entreprises dans les plus petites villes.

Grâce à l’UE, les entreprises canadiennes accèdent également à un immense marché au-delà de l’Europe, laquelle sert de passerelle vers le Moyen-Orient et l’Afrique. L’Europe peut même servir de banc d’essai à certaines entreprises qui souhaitent mettre au point leurs produits et les vendre sur ces marchés, observe Mme Charette.

Mme Goldfarb insiste sur le fait qu’une fois l’Accord entré en vigueur, les entreprises canadiennes auront également accès aux « vastes » marchés publics de l’Europe.

Quant à Mme Baldino, elle rappelle que les Canadiens sont particulièrement connus pour leur savoir-faire en infrastructure, et que sous le régime de l’AECG, ils pourront profiter des marchés publics à tous les niveaux. Elle prévient cependant les intéressés qu’ils doivent absolument connaître les différents marchés du secteur en Europe, et ce, le plus rapidement possible.

« Il va falloir du temps pour se préparer, ajoute-t-elle. N’arrivez pas là-bas en pensant que vous allez y faire des affaires comme au Canada. »

Pour plus de renseignements, communiquez avec le Service des des délégués commerciaux du Canada.

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