Des chaussures canadiennes emblématiques représentent une leçon pour l’exportation de produits autochtones
Parmi les produits canadiens emblématiques qui ont été présentés lors de la Semaine de la mode de Londres l’automne dernier, il y en avait un pour raconter une histoire fascinante de tradition et de durabilité.
Janice Charette, haute‑commissaire du Canada au Royaume‑Uni, s’entretient avec le prince Harry et la duchesse Meghan alors que la secrétaire sociale de Mme Charette, Joanne Raggett, et Mme Charette elle même remettent au couple un cadeau pour bébé qui comprend une paire de chaussures Infant Scouts de Manitobah Mukluks, faites de peau de cerf.
(Photo : Haut‑commissariat du Canada au Royaume‑Uni)
Divers produits de Manitobah Mukluks étaient en vedette lors de la présentation sur la création canadienne qui s’est tenue pendant la Semaine de la mode de Londres.
(Photo : Darren Bandoo)
Waneek Horn‑Miller (au centre) avec sa mère et sa fille
(Photo : Tomas Karmelo)
Manitobah Mukluks est l’une des marques exclusives qui a suscité un vif intérêt lors de l’événement Une célébration de la création canadienne, organisé par le haut-commissariat du Canada au Royaume‑Uni. Représentée par Mme Waneek Horn‑Miller, athlète mohawk et porte‑parole, l’entreprise autochtone est devenue un symbole d’excellence en matière d’entrepreneuriat et de renforcement des capacités.
« Nous offrons un produit qui garde les gens bien au chaud, qui est fonctionnel et beau et qui appuie les Autochtones et leurs collectivités »
, déclare Mme Tara Barnes, vice‑présidente du marketing de l’entreprise. Principal fabricant mondial de mukluks (« les premières bottes d’hiver au monde »
, comme elle les appelle) et de mocassins modernes, Manitobah Mukluks se mesure à des géants de la chaussure comme Ugg et Sorel. Grâce à l’aide du Service des délégués commerciaux (SDC) du Canada, 15 % des ventes de l’entreprise sont aujourd’hui réalisées à l’étranger dans des points de vente au détail aux États‑Unis, au Royaume‑Uni, au Groenland, en France et en Allemagne, dit‑elle, et au moyen du commerce électronique dans quelque 40 autres pays comme la Russie, la Suède et le Japon.
Le succès de Manitobah Mukluks représente une leçon pour les entreprises canadiennes qui vendent des produits autochtones et d’autres biens et services uniques à l’étranger.
Mme Barnes mentionne que l’entreprise affiche actuellement un chiffre d’affaires annuel de 30 millions de dollars, et qu’elle figure parmi les 500 entreprises canadiennes ayant connu la plus forte croissance au cours des cinq dernières années. Ses chaussures sont vendues partout au Canada par l’intermédiaire de grands détaillants ainsi que dans des boutiques éphémères saisonnières, où la plupart des vendeurs autochtones peuvent renseigner les éventuels acheteurs sur l’entreprise, ses origines et ses produits.
Pour accroître ses exportations, l’entreprise recherche des agents et des distributeurs internationaux qui ont « l’habitude de travailler avec des marques emblématiques comme la nôtre »
, et elle utilise surtout le SDC pour l’établissement de relations et le réseautage. « Les délégués commerciaux sont tellement essentiels, car ils peuvent raconter l’histoire d’une entreprise à un autre niveau et la soutenir »
, affirme Mme Barnes, en soulignant que l’entreprise s’intéresse surtout aux « pays où l’hiver est rigoureux »
. Mme Horn‑Miller, médaillée d’or de water‑polo aux Jeux panaméricains de 1999 et première femme mohawk du Canada à participer aux Jeux olympiques, en 2000, agit comme ambassadrice lors des salons et des événements commerciaux. « Partout où va Waneek, les gens l’écoutent »
, commente Mme Barnes.
Établie à Winnipeg, Manitobah Mukluks compte actuellement environ 250 employés, dont certains sont saisonniers, étant donné la nature du produit principal de l’entreprise. La moitié des employés se trouve au Canada, et 70 % d’entre eux sont Autochtones; ils travaillent de plus en plus dans des domaines comme la gestion de la marque et le service à la clientèle. L’autre moitié se trouve au Vietnam, où la société est copropriétaire d’une nouvelle usine de fabrication agrandie juste à l’extérieur de Hô‑Chi‑Minh‑Ville, usine où sont fabriqués en série 85 % de ses produits, selon des modèles traditionnels.
Manitobah Mukluks redonne à la collectivité en formant les Autochtones dans les domaines du commerce et des affaires, explique Mme Barnes. « C’est le genre de travail où nous tentons de renforcer les capacités; pas de coudre dans l’atelier de couture. »
Entre‑temps, le projet sans but lucratif Storyboot de Manitobah Mukluks aide les aînés et les artisans autochtones à préserver l’art de fabriquer des mocassins et des mukluks traditionnels. L’école Storyboot enseigne l’art à de jeunes étudiants autochtones partout au pays, et les bottes fabriquées par ces artisans sont vendues en ligne à des prix majorés.
L’un des premiers amateurs bien connus pour ses mukluks a été le prince Harry d’Angleterre, qui, selon Mme Barnes, a acheté une paire de bottes Tall Wraps de l’entreprise en cadeau il y a plusieurs années. Lorsque la duchesse Meghan et lui sont venus en visite au haut-commissariat avant la naissance de leur bébé Archie plus tôt cette année, ils ont reçu en cadeau des articles canadiens emblématiques, dont une paire de chaussures Infant Scouts en peau de cerf. « Nous avons hâte de les voir portées »,
dit Mme Barnes.
Une célébration de la création canadienne
Le haut‑commissariat du Canada au Royaume‑Uni, en partenariat avec l’organisme Toronto Fashion Incubator, recherche des candidats parmi les créateurs canadiens de prêt‑à‑porter et d’accessoires féminins, ou les créateurs canadiens de mode ou d’accessoires unisexes pour participer à l’événement Une célébration de la création canadienne qui aura lieu pendant la Semaine de la mode de Londres, les 12 et 13 septembre 2019.
Veuillez communiquer avec Allison Goodings pour plus de détails. La date limite de dépôt des candidatures est le 2 juillet 2019.
Notre présence au Royaume‑Uni pour la Semaine de la mode de Londres l’automne dernier a été une bonne occasion de rencontrer de nouveaux clients potentiels, ajoute‑t‑elle. L’événement phare canadien, tenu en marge de la Semaine de la mode, s’intitule Une célébration de la création canadienne. Il s’agit d’une soirée organisée en collaboration avec l’organisme Toronto Fashion Incubator et la Ville de Toronto. Dans le cadre de cet événement, on y présente des entreprises de mode canadiennes et leurs collections sous une marque « Canada »
élargie à plus de 150 acheteurs, influenceurs et journalistes des magazines de mode les plus influents, d’expliquer Mme Allison Goodings, déléguée commerciale responsable des industries créatives au haut‑commissariat du Canada au Royaume‑Uni.
Elle mentionne que Manitobah Mukluks a fait très bonne impression parmi les 13 entreprises de mode qui se trouvaient là‑bas, mais que la patience et la persévérance sont essentielles. « Nous veillons à ce que nos clients sachent qu’il faut souvent plusieurs défilés et visites sur le marché pour réaliser une vente »
, précise Mme Goodings. « Londres est un marché de la mode énormément concurrentiel, où les marques doivent faire la preuve qu’elles sont uniques, authentiques et d’excellente qualité. »
L’authenticité des produits de Manitobah Mukluks est la clé du succès de l’entreprise au pays et à l’étranger, affirme Mme Goodings, qui a d’ailleurs visité les locaux de l’entreprise à Winnipeg. « Je suis une fervente admiratrice de Manitobah Mukluks et du travail que l’entreprise accomplit »
, dit‑elle.
« Les produits de Manitobah Mukluks ne sont pas que des articles de mode; ils racontent une histoire, et c’est cette histoire, et l’histoire du produit, qui les rendent si fascinants, dit‑elle, soulignant que de nombreux journalistes voulaient raconter cette histoire à la Semaine de la mode de Londres. Il est crucial d’offrir à Manitobah Mukluks le cadre approprié pour parler de son produit — d’où il vient, comment il est fabriqué et son histoire. »
Selon Mme Barnes, le plus grand défi que l’entreprise doit relever à l’échelle mondiale est la notoriété de la marque. C’est pourquoi elle cherche à obtenir un « engagement solide et un lien émotionnel fort »
avec ses clients, même au Canada, ce qui, espère‑t‑elle, exercera une influence à l’échelle mondiale. Par conséquent, il faut « raconter notre histoire »
, par exemple en donnant une formation aux vendeurs dans les points de vente, de même qu’en affichant l’histoire de l’entreprise et des renseignements de son site Web sur ses boîtes.
Elle mentionne que l’une des stratégies de l’entreprise a été d’adopter de nouvelles variantes de sa conception de base. Par exemple, elle a créé des bottes imperméables qui sont devenues très populaires dans des endroits comme le Royaume‑Uni, où les gens n’ont pas besoin de la chaleur des versions plus lourdes à doublure de fourrure.
Du poste de traite au commerce mondial
L’histoire de Manitobah Mukluks remonte aux débuts du commerce de la fourrure en Amérique du Nord, dans les années 1600, et à la naissance d’un nouveau peuple au Canada, les Métis. Des artisans de cette communauté ont créé des chaussures et des vêtements faits à la main pour la vente dans de nouveaux marchés, mais la tradition a accusé un recul au fil des générations, à mesure que de tels biens ont été produits en série. Sean McCormick, un entrepreneur métis du Manitoba dont les ancêtres avaient travaillé dans les territoires de piégeage aux environs de The Pas, a ouvert un poste de traite à Winnipeg en 1993, faisant le commerce de fourrures et de peaux tannées pour faire fabriquer des mocassins faits à la main par des femmes autochtones de la région.
M. McCormick a lancé sa première entreprise, Blue Moose Clothing Co., en 1997, en vendant des articles par l’intermédiaire de boutiques de cadeaux et de certains détaillants. Lorsqu’un magazine a publié une photo du mannequin Kate Moss arborant une paire de mukluks de l’entreprise en 2004, la marque a pris son envol. Comme un plus grand nombre de célébrités portent ses chaussures, notamment Cindy Crawford, Megan Fox, Jessica Biel, Justin Timberlake, Shailene Woodley, Gwen Stefani, le prince Harry et Sophie Trudeau, l’entreprise a attiré de nouveaux investisseurs et partenaires, et c’est ainsi qu’en 2008, elle a été rebaptisée Manitobah Mukluks. L’entreprise se concentrait désormais sur le marché des chaussures, et une nouvelle stratégie de commercialisation et de distribution a été adoptée, laquelle portait notamment sur le bouche‑à‑oreille, les médias sociaux et l’augmentation des ventes en ligne, plateforme où l’entreprise pouvait raconter sa véritable histoire directement aux consommateurs.
L’ascendance de M. McCormick et son objectif de redonner aux artisans autochtones qui l’ont aidé à lancer son entreprise jouent un rôle important dans la démarche de l’entreprise. Manitobah Mukluks attire l’attention sur la viabilité et sur le fait qu’elle contribue à préserver la culture autochtone, grâce à sa vision de créer une marque dynamique et mondiale qui a une incidence sur les collectivités autochtones.
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