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Des recherches menées en Croatie pourraient faciliter la création d’hélices plus silencieuses d’une entreprise canadienne

L’entreprise Dominis Engineering Ltd. est reconnue depuis longtemps pour sa façon unique de concevoir et de fabriquer des hélices pour les grands navires. En témoignent ses contrats avec les autorités navales et la Garde côtière, au Canada et aux États‑Unis.

Cette entreprise d’Ottawa utilise un procédé de fraisage de haute précision pour la fabrication et la finition de ses hélices. Ce procédé permet de réduire la « cavitation », c’est‑à‑dire le son et les vibrations entendues ou ressenties dans l’eau et à bord des navires en mouvement.

Dominis valide actuellement sa technologie dans le cadre d’un projet de recherche mené à l’Institut Brodarski, un centre de recherche en hydrodynamique situé à Zagreb, en Croatie, avec l’appui de Transports Canada et du Service des délégués commerciaux du Canada (SDC). Les résultats pourraient conduire à des modifications de la norme de fabrication des hélices, réduisant ainsi la pollution sonore qui désoriente les mammifères marins comme les baleines, les dauphins et les marsouins.

« Nous enlevons la variable humaine de l’équation », explique Bodo Gospodnetic, président et cofondateur de Dominis, une entreprise qu’il a créée en 1985 avec son père Drasko, retraité du Conseil national de recherches et pionnier de l’usinage à commande numérique par ordinateur des maquettes de navires.

Les deux ont mis au point une nouvelle technologie de fraisage à commande numérique par ordinateur pour fabriquer des hélices. Comme celles‑ci sont fortement incurvées, leur finition nécessite généralement un meulage à la main. Or, selon M. Gospodnetic, il s’agit d’un « procédé imparfait » qui crée de minuscules aspérités et irrégularités à la surface des hélices. À mesure que les navires accélèrent, ces défauts risquent d’entraîner un phénomène de cavitation, de sorte que l’hélice sera moins performante.

Bodo Gospodnetic
Bodo Gospodnetic, président de Dominis Engineering, est photographié avec la turbine à jet d’eau pour le navire de combat Littoral que son entreprise fabrique pour Rolls‑Royce Naval Marine.

Le procédé de Dominis donne un produit final plus lisse, « davantage conforme aux caractéristiques recherchées par les concepteurs d’hélices », explique‑t‑il. À l’heure actuelle, différents navires sont équipés des hélices et des impulseurs à jet d’eau fabriqués par l’entreprise, y compris des frégates canadiennes de patrouille et des navires de combat en zone littorale des Forces navales des États‑Unis.

L’Institut Brodarski met cette technologie à l’essai, car son tunnel de cavitation est suffisamment grand pour tester l’« aile » d’une hélice (le Canada n’a pas d’installation aussi grande). Ce projet de recherche soutenu par Transports Canada est une collaboration entre Dominis, l’Université Memorial, Mitacs et l’organisme Recherche et développement pour la défense Canada.

En raison des restrictions de voyage pour lutter contre la pandémie de COVID‑19, l’ambassadeur du Canada en Croatie et au Kosovo, M. Alan Bowman, et une déléguée commerciale pour ces deux pays, Mme Synthia Dodig, ont représenté l’entreprise lors du lancement du projet de recherche, en octobre dernier.

Mme Dodig, dont le mandat englobe les technologies propres, a rencontré M. Gospodnetic pour la première fois en 2017, lorsqu’il s’est rendu en Croatie, qui est un grand centre maritime doté d’une importante industrie de construction navale. Mme Dodig avait alors organisé une rencontre entre ce dernier et des responsables de la Marine croate. À ce sujet, elle souligne l’importance que des entreprises canadiennes innovantes comme Dominis, qui occupent un créneau particulier, puissent collaborer à des projets de recherche à l’étranger.

« La coopération scientifique et technologique est essentielle pour rendre les entreprises canadiennes concurrentielles sur les marchés mondiaux », affirme‑t‑elle. Ces projets sont souvent soutenus par des fonds spéciaux sur des marchés locaux comme la Croatie ainsi que dans l’Union européenne, que les délégués commerciaux peuvent aider à trouver, souligne‑t‑elle.

Selon Mme Dodig, les recherches de M. Gospodnetic présentent des avantages environnementaux considérables pour le milieu biologique marin, et « l’appui du gouvernement du Canada est également important pour une entreprise, car les gens la prennent alors au sérieux ».

« Bodo est totalement passionné par cette technologie et il croit sincèrement aux activités auxquelles il se consacre », ajoute‑t‑elle.

M. Gospodnetic estime que le SDC a contribué à la crédibilité de Dominis à l’international. En comparaison de ses concurrents et clients, les géants multinationaux du marché des hélices, Dominis, qui compte 18 employés, est une « entreprise de taille microscopique », précise‑t‑il.

« Certaines ressources du SDC nous permettent de paraître beaucoup plus importants », explique‑t‑il. Le SDC a donc ouvert la voie à des rencontres avec de grandes entreprises internationales dans des pays comme l’Allemagne et la France. « Sans une déléguée commerciale sur place, ils n’auraient pas accepté de me parler », note‑t‑il.

M. Gospodnetic espère également obtenir un financement du programme CanExport Innovation du SDC, qui aide les entreprises à amortir les coûts de la collaboration scientifique et technologique avec des partenaires étrangers.

Rick Sudeyko, délégué commercial au bureau régional du SDC pour l’Ontario, qui couvre le secteur des technologies de l’aérospatiale, de la défense et de l’océan, affirme que le processus de fraisage à commande numérique par ordinateur de Dominis est unique au monde. Selon lui, pour démontrer l’efficacité de sa technologie et influer sur les normes et la réglementation régissant les hélices, M. Gospodnetic doit certes mener une stratégie internationale complexe. Toutefois, celle‑ci pourrait aussi lui procurer un avantage concurrentiel.

« Si les exigences réglementaires du marché sont modifiées, Dominis réalisera immédiatement d’énormes ventes », commente M. Sudeyko.

Par ailleurs, M. Gospodnetic mentionne que son entreprise s’est jointe à un consortium canadien pour les systèmes intégrés de lignes d’arbres, formé de trois principaux fabricants canadiens d’hélices marines. De même, Dominis a récemment remporté un Prix TechConnect de l’innovation en défense pour l’année 2020 (en anglais).

Jusqu’à présent, le résultat des recherches menées à Zagreb montre qu’un défaut mineur suffit à produire de la cavitation beaucoup plus tôt sur les ailes finies à la main que sur celles fabriquées par usinage à commande numérique par ordinateur, indique M. Gospodnetic. Selon lui, les tolérances définies dans les normes actuelles de fabrication d’hélices ne sont pas « suffisamment contraignantes ». L’amélioration de ces normes — non seulement pour les navires militaires, mais aussi pour la marine marchande — pourrait être extrêmement bénéfique pour l’environnement, en atténuant les effets nocifs du bruit des hélices sur le milieu biologique marin.

M. Gospodnetic conseille aux petites entreprises canadiennes comme la sienne d’investir dans la recherche, puisqu’elle procure un avantage concurrentiel et permet d’améliorer les technologies. « Sans investir constamment dans la recherche, nous aurions déjà disparu. J’ai toujours voulu que mon entreprise excelle dans son domaine, en plus de concevoir et de proposer une technologie bénéfique pour la planète et l’environnement », conclut‑il.

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