D'une entreprise risquée à un géant mondial de la technologie
Dans les années 1990, Leslie Klein, un ingénieur électricien, entrevoyait déjà l’avenir. Alors que les promesses d’Internet n’étaient que virtuelles et que les téléphones cellulaires étaient des objets lourds et coûteux, il envisageait une technologie capable d’ouvrir une ère nouvelle pour l’informatique et la téléphonie mobiles.
Klein estimait que, un jour, de grandes quantités de données pourraient être transmises à haute vitesse à peu près n’importe où dans le monde. Il fonde donc à Ottawa une entreprise, C-COM Satellite Systems Inc., pour mettre au point des antennes capables de permettre un branchement facile à Internet n’importe où, depuis les agglomérations urbaines jusqu’aux coins les plus reculés de la planète.
« Quand j’ai fondé cette entreprise, le succès était plus qu’incertain, se rappelle Klein, PDG de l’entreprise. Il y a 17 ans, personne n’y croyait. Il m’était impossible de savoir jusqu’où nous pourrions aller. »
Aujourd’hui, C-COM a vendu plus de 7 000 de ses antennes mobiles iNetVu, et ce chiffre continue de croître grâce à une bonne stratégie de distribution et à un énorme marché d’exportation auprès d’une vaste gamme d’industries, depuis les organismes de secours humanitaires aux sinistrés et les services bancaires mobiles jusqu’aux secteurs de la surveillance et de l’application des lois. Avec des ventes dans 103 pays, l’entreprise entrevoit un avenir sans limites avec ses futures applications de cette technologie.
« Tout est véritablement possible : chaque semaine, nous entendons parler de quelqu’un qui, quelque part au monde, a pensé à une nouvelle utilisation de notre technologie », déclare Klein, un immigrant tchécoslovaque arrivé au Canada en 1968 pour faire sa première année d’université, sans même parler l’anglais. Après des études en génie électrique à l’Université de Waterloo, il a travaillé chez Hewlett Packard, puis chez Bell Northern Research à Ottawa.
Il a fondé C-COM en 1997, embauchant une poignée d’ingénieurs pour travailler à son idée d’assurer des services Internet haute vitesse à large bande par satellite à des véhicules stationnaires ou à des structures mobiles. Pendant trois ans, il a lui-même financé l’entreprise.
« C’était un risque calculé, mais énorme », se rappelle-t-il. L’entreprise s’est inscrite en Bourse en l’an 2 000 et a recueilli 5 millions de dollars pour poursuivre ses travaux de recherche et développement sur le système iNetVu. « L’entreprise n’a jamais eu à solliciter de fonds à nouveau », précise fièrement Klein. La PME est cotée à la Bourse de croissance TSX (sous le symbole CMI). « L’entreprise a connu dix années consécutives de rentabilité, elle n’a pas de dettes et elle est la seule des entreprises inscrites à la Bourse TSX dont le capital investi est inférieur à 100 millions de dollars à payer des dividendes », ajoute-t-il. L’an dernier, C-COM a enregistré des ventes de 15,5 millions de dollars, et 98 p. 100 de ses antennes ont été vendues à l’étranger.
Klein affirme que l’entreprise s’est tournée résolument vers le marché mondial, alors que de nombreuses entreprises canadiennes ne vont pas au-delà des sentiers battus et n’exportent qu’aux États-Unis. Parallèlement, C-COM a pris soin de ne pas établir de bureaux à l’étranger, une pratique qui, selon lui, peut être « suicidaire » pour des PME aux ressources limitées, de tels bureaux étant coûteux, complexes et difficiles à gérer et à maintenir.
Marchés verticaux
De grands marchés verticaux sont apparus pour les appareils auto-déployants, comme les secteurs des ressources, des communications d’urgence, de la télémédecine, de la gestion des catastrophes, des patrouilles frontalières, des services d’incendie, des forces policières et armées, voire des banques et des bibliothèques mobiles.
Environ 1 500 des antennes vendues à ce jour servent à l’exploration pétrolière et gazière. Klein déclare que les entreprises faisant de la prospection pétrolière « au milieu de nulle part » s’en servent pour transmettre les données géologiques recueillies à leurs services d’analyse et pour accéder à Internet, envoyer et recevoir des courriels et établir des communications téléphoniques.
En Afrique, les antennes servent à protéger la population de rhinocéros du vaste parc transfrontalier du Grand Limpopo, où elles relaient des données et des vidéos provenant de drones de surveillance utilisés pour repérer les braconniers. Au Japon, après le tremblement de terre et le tsunami de 2011, plus de 300 antennes ont été déployées pour assurer les communications cellulaires et remplacer les tours de téléphonie cellulaire détruites. Dans les coins les plus reculés d’Afrique, à Hawaï et même au centre-ville de Madrid, elles permettent aux banques d’utiliser des guichets automatiques mobiles. On s’en sert aussi sur le toit de cliniques mobiles au Canada, en Russie, en Afrique du Sud, aux États-Unis, au Nigéria et en Nouvelle-Zélande.
Entre autres utilisations courantes, mentionnons l’utilisation qu’en font les équipes de télévision pour transmettre des reportages vidéo de nouvelles par satellite. Les services de police et les pompiers s’en servent également dans les centres de commandement mobiles lors de situations d’urgence.
Largeur de bande exponentielle
Les antennes ressemblent beaucoup aux paraboles employées pour permettre aux consommateurs de capter les émissions de télévision chez eux, à cette différence près qu’elles transmettent et reçoivent les signaux au moyen d’un modem haute vitesse à large bande obtenu d’un fournisseur de services par satellite.
Les antennes sont livrées prêtes à l’emploi, et elles fonctionnent partout, en Sibérie comme en Australie. Mais C-COM doit satisfaire aux exigences techniques rigoureuses de chaque système de communication par satellite et recevoir l’approbation voulue du fournisseur de réseau.
La connectivité Internet limitée des téléphones satellitaires typiques et leur faible vitesse rendent ces antennes nécessaires, selon Klein. La transmission d’énormes fichiers tels qu’une vidéo en continu peut nécessiter des heures, voire des jours, sur de tels appareils et s’avérer très coûteuse.
De même, les réseaux 3G employés par les téléphones cellulaires ne peuvent pas télécharger et transmettre la quantité de données que les satellites très performants peuvent acheminer, sans compter qu’ils ne fonctionnent que là où existe un service cellulaire. Klein affirme que les attentes grandissent de façon exponentielle quant à la transmission de forts volumes de données. « La demande de services à large bande augmente plus vite qu’on ne peut la satisfaire; la largeur de bande existante n’est jamais suffisante. »
L’antenne de C-COM est unique en son genre en ce sens qu’on peut facilement la déplacer d’un endroit à un autre. Elle doit être stationnaire pour fonctionner, mais à chaque nouvel endroit, il suffit d’appuyer sur un bouton pour qu’elle s’aligne rapidement sur le signal du satellite orbitant à 36 000 kilomètres au-dessus de la Terre.
Selon Klein, un technicien d’antennes satellitaires compétent aura normalement besoin d’au moins deux heures, après l’installation de l’antenne dans sa nouvelle position, pour trouver et capter le signal satellite. Le mécanisme robotique d’autopointage ou de captage du système iNetVu repère le signal et oriente l’antenne en conséquence, de sorte que celle-ci est prête à fonctionner en quelques minutes. « Il vous suffit d’appuyer sur un bouton, et le système s’occupe du reste. »
Les antennes, d’un diamètre variant entre 75 centimètres et 1,8 mètre, se replient entièrement pour les déplacements. Leur prix varie entre 10 000 et 70 000 dollars.
Utilisations diverses
Pour le projet visant à protéger les rhinocéros, mené sur une superficie de 35 000 kilomètres carrés chevauchant les frontières du Mozambique, de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe, la technologie permet aux conservateurs du parc de surveiller et d’enregistrer les activités des braconniers et d’intervenir. Le parc abrite 40 p. 100 de tous les rhinocéros du monde, et il est récemment devenu la ligne de front de la guerre menée contre le braconnage, un de ces animaux étant abattu par des braconniers toutes les huit heures.
Gustav Engelbrecht, gestionnaire de la production des systèmes satellitaires chez Saab Grintek Technologies, un intégrateur du système iNetVu de C-COM installé en Afrique du Sud qui commandite le projet, affirme que le couplage de l’antenne et des drones, munis de caméras infrarouges et de détecteurs thermiques, est idéal.
« En faisant de l’unité mobile C-COM le principal moyen de connectivité, nous avons pris la meilleure décision. La réussite du système et sa souplesse d’utilisation ont redéfini la norme », ajoute Engelbrecht.
Le Service d’incendie et de sauvetage de Gloucestershire, dans le sud-ouest de l’Angleterre, possède quatre antennes C-COM qui fonctionnent sur deux bandes satellites différentes. Elles font partie de l’équipement que le Service utilise pour ses postes locaux de commandement en cas de sinistres et pour le soutien logistique national. Installées sur des véhicules ou dans des remorques, les antennes ont servi lors d’interventions d’urgence variées, y compris lors de conflagrations majeures d’origine chimique, de feux de forêt étendus et d’inondations à large échelle, lesquelles sont communes dans la région.
« Cette technologie a changé du tout au tout la façon dont nous gérons les catastrophes, explique Rob Lacey, chef de l’informatique et des communications. Elle a vraiment fait ses preuves. »
Son organisme a transformé en poste de commandement mobile un autocar doté d’une antenne iNetVu sur le toit. À l’intérieur, on dispose de rangées d’ordinateurs de bureau et portables qui servent à communiquer avec les hôpitaux ou d’autres autorités par Skype ou par téléphonie VoIP, ainsi qu’à suivre les journaux télévisés et à coordonner les activités et le travail du personnel sur les lieux.
Les services cellulaires réguliers ne sont pas toujours fiables en cas d’urgence, surtout s’il y a panne d’électricité, indique Lacey. Ils ne réussissent pas non plus à gérer un volume astronomique de communications, surtout quand tout le monde veut passer un appel en même temps. « En cas de surcharge des réseaux, on ne peut plus rien faire », explique-t-il.
À l’opposé, le système C-COM fonctionne toujours, ajoute-t-il. L’antenne iNetVu tire son énergie d’un véhicule, de sorte que les équipes peuvent avoir un fonctionnement indépendant. En outre, l’antenne trouve quasi instantanément le signal du satellite chaque fois qu’on la déplace. « Auparavant, il vous fallait monter sur le toit et réorienter l’antenne manuellement à l’aide d’une manivelle, d’un mètre et d’une boussole. »
C’est ainsi que l’on a utilisé le système iNetVu lors de situations d’urgence nationales, par exemple pour des opérations de recherche et de sauvetage en milieu urbain, de décontaminations massives et de gros incendies. L’antenne a aussi servi lors d’un exercice d’évacuation, pour procurer un accès sans fil à Internet aux « résidants » d’un centre d’hébergement temporaire, à titre de service public.
Une stratégie de distribution
Klein affirme que l’on trouve constamment de nouvelles utilisations possibles pour sa technologie. Malgré une demande qui monte en flèche, la réussite de C-COM réside principalement dans le fait que l’entreprise est restée petite. Elle n’emploie que 32 personnes, responsables de la conception et du développement, alors que la fabrication des antennes est confiée à des entreprises d’Ottawa et de Toronto.
En outre, C-COM ne vend pas ses produits directement aux utilisateurs, mais par l’intermédiaire d’un réseau mondial de revendeurs auxquels il incombe de fournir le soutien technique de premier niveau, de voir à l’installation et d’aider les utilisateurs pour la connectivité.
« Si nous devions être présents dans 103 pays, nous aurions fait banqueroute il y a longtemps », précise Klein. Il ajoute que le Service des délégués commerciaux (SDC) du Canada a été particulièrement utile lorsqu’est venu le temps de présenter C-COM dans le monde entier et de l’aider dans les divers pays.
« Nous n’aurions pas pu faire grand-chose sans le SDC », dit-il, précisant que ce dernier aide l’entreprise à vérifier les antécédents des revendeurs, fournit des études de marché et offre des conseils précieux, tout en organisant de multiples réunions avec des clients éventuels. « Si C-COM appelle depuis Ottawa une entreprise telle que Mitsubishi ou NEC au Japon pour demander un rendez-vous, ses chances de succès sont limitées, mais si l’ambassade du Canada à Tokyo s’en charge, les résultats seront fort différents. »
Eleonore Rupprecht, une membre du SDC à Toronto qui est chargée d’aider les entreprises canadiennes du secteur des technologies sans fil à trouver des marchés à l’étranger, affirme que C-COM a fait bon usage du réseau international du Service.
Selon elle, le réseau de revendeurs de C-COM constitue la solution idéale. « Une des clés de la réussite dans n’importe quel marché consiste à y avoir une présence directe », affirme-t-elle, ajoutant que l’entreprise s’est dotée d’une stratégie de diversification gagnante en s’intéressant à de multiples marchés géographiques et verticaux.
C-COM a profité d’une présence active aux salons commerciaux, avoue Klein, et elle attire bon nombre de ses acheteurs avec son site Internet. « Quand vous avez un bon produit, les clients viennent cogner à votre porte. »
Les concurrents de l’entreprise traitent surtout avec des utilisateurs militaires, à des prix beaucoup plus élevés que les siens. C-COM se concentre sur le marché commercial, tout en ayant quelques clients militaires et spécialisés.
De l’avis de Lacey, le produit est robuste : le Service d’incendie de Gloucester utilise encore une antenne qu’il s’est procurée il y a dix ans, et C-COM offre une gamme de prix et une fonctionnalité imbattables. D’autres systèmes auto-orientables coûtent la moitié plus cher, et leur délai de livraison est beaucoup plus long. En outre, ils ne s’accompagnent pas de l’expertise canadienne en matière d’informatique mobile. « Le Canada a bonne réputation; beaucoup d’excellentes technologies viennent d’ici. »
Mme Rupprecht souligne qu’en plus de mettre au point et de commercialiser des produits de pointe, les entreprises canadiennes comme C-COM font la promotion des valeurs canadiennes à l’étranger. Comme ses antennes sont employées à des fins humanitaires et dans les domaines de la durabilité et de l’environnement, par exemple dans le contexte du projet de rhinocéros et dans celui de secours aux sinistrés d’un tsunami, C-COM représente plus que sa technologie, elle représente le Canada dans le monde, ajoute Mme Rupprecht.
La connectivité continue
L’avenir s’annonce brillant pour la connectivité par satellite, déclare Klein. Selon lui, les antennes seront de plus en plus petites et de moins en moins coûteuses et elles finiront par devenir un produit de consommation de masse, d’autant plus que chaque nouvelle génération de satellites orbitant autour de la Terre est plus puissante que la précédente.
C-COM s’attaque maintenant à un nouveau défi : procurer une connectivité continue par satellite à des véhicules, navires, trains, drones et autres engins en mouvement. Le fait que la connexion flanche chaque fois que l’antenne se déplace rend difficile la création d’un service totalement mobile. C-COM travaille sur cette technologie d’auto-pistage ou « ambulante », de concert avec l’Université de Waterloo et avec l’aide du gouvernement du Canada et de la province de l’Ontario.
Dans l’avenir, Klein s’attend à ce que tous les moyens de transport puissent utiliser ces services à large bande en déplacement, peu importe où ils se trouveront, et à ce que les autos soient même reliées les unes aux autres grâce à cette technologie.
« Jamais je n’aurais imaginé que l’entreprise aurait une telle portée ni que notre marché serait aussi vaste, dit-il. Nous sommes actuellement présents dans 103 pays, mais j’aimerais l’être dans les 193 pays de la planète. »
Pour en savoir plus, prière de communiquer avec le Service des délégués commerciaux du Canada.
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