L'impératif de l'ANASE :
Le boom dans le secteur des infrastructures est prometteur pour les entreprises canadiennes
Composée de 10 pays dont le PIB collectif totalisait environ 2,7 billions de dollars en 2014 et dont la population est de plus de 620 millions de personnes, cette région économique est l’une des plus actives du monde, et elle est rapidement en train de devenir la plaque tournante du libre‑échange de l’Asie.
En plus de sa croissance vertigineuse, l’Association des nations de l’Asie du Sud‑Est (ANASE), puissante région constituée de la Birmanie, de Brunéi, du Cambodge, de l’Indonésie, du Laos, de la Malaisie, des Philippines, de Singapour, de la Thaïlande et du Vietnam, connaît actuellement une urbanisation généralisée.
Le coût total des nouvelles infrastructures nécessaires pour soutenir cette transition — y compris les routes, les aéroports et les ports, les chemins de fer et les réseaux de transport en commun, les installations de traitement des eaux, les réseaux d’électricité, les hôpitaux, les écoles et les prisons — a été évalué à plus de 1 billion de dollars d’ici 2020. Pour les entreprises canadiennes du domaine de la construction, de la consultation et des autres services liés à l’infrastructure et à son financement, les occasions dans les pays de l’ANASE sont opportunes, lucratives — et incontournables.
« Bon nombre des besoins en infrastructures de l’ANASE peuvent être satisfaits au moyen de services, de technologies et de produits dans lesquels les entreprises canadiennes excellent et possèdent une forte image de marque internationale », explique Hugh O’Donnell, chef de pratique mondiale pour les projets d’infrastructures d’Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada (MAECD), qui cherche à apparier les compétences canadiennes et les occasions d’affaires mondiales dans ce secteur. « L’expertise du Canada en matière d’infrastructures est sans égale. »
Le Service des délégués commerciaux du Canada (SDC) du MAECD effectue un « travail remarquable » pour trouver des projets d’infrastructures précis dans cette région prioritaire pour le Canada et les jumeler aux capacités des entreprises canadiennes, affirme M. O’Donnell. « Nous devons maintenant nous assurer que les entreprises qui exécuteront ces travaux sont disposées à le faire et disponibles. »
Compte tenu de ses liens étroits avec ses voisins bien nantis et de ses plans visant à devenir un marché unique d’ici la fin de l’année en cours, la région de l’ANASE présente un grand potentiel commercial, tant du point de vue de sa classe moyenne florissante et de son emplacement géographique idéal que de sa stabilité politique relative et de ses accords commerciaux impressionnants. La promesse d’une intégration régionale a par ailleurs renforcé l’intérêt international pour l’ANASE en tant que destination d’investissements.
Cette région dynamique ouvre des possibilités aux PME canadiennes dans plusieurs secteurs, dont l’aérospatiale, la défense et la sécurité, l’agriculture et l’agroalimentaire, la formation, les matières extractibles, les technologies de l’information et des communications ainsi que les technologies durables. En 2014, le commerce bilatéral de marchandises entre le Canada et l’ANASE a totalisé 18,8 milliards de dollars, soit une hausse de 10,7 p. 100 par rapport à l’année précédente et une hausse de 44,2 p. 100 depuis les cinq dernières années.
Le Plan d’action sur les marchés mondiaux publié en 2013 reconnaissait l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, le Vietnam, les Philippines, Brunéi et la Birmanie comme des pays prioritaires pour le Canada dans la région de l’Asie‑Pacifique. M. O’Donnell affirme que le SDC augmente ses ressources sur le terrain dans ces pays et recense les occasions de projets d’infrastructures dans les domaines où le Canada a des compétences reconnues, comme l’hydroélectricité et les énergies nouvelles, la gestion des eaux usées, les transports, les aéroports et les bâtiments écologiques.
M. O’Donnell soutient que le Canada possède une expérience de longue date en matière de travaux d’infrastructures en Asie du Sud‑Est remontant au Plan de Colombo en 1950. À titre d’exemple, l’entreprise McElhanney de Vancouver, avec une aide financière de l’Agence canadienne de développement international, a réalisé un projet de grande envergure dans les années 1950 pour arpenter le delta du Mékong. L’entreprise est par la suite demeurée active dans la région; par exemple, elle utilise actuellement la technologie LiDAR (détection et télémétrie par ondes lumineuses) et la photographie aérienne numérique afin de permettre aux archéologues du Cambodge d’étudier l’histoire de l’empire khmer.
« Le gouvernement cambodgien utilise également la technologie pour la cartographie des bassins hydrographiques et la gestion forestière », affirme Francisco Goncalves, président‑directeur de la filiale indonésienne de McElhanney. Il souligne que les entreprises canadiennes sont « perçues et reçues favorablement » dans la région et que les infrastructures auxquelles elles ont contribué sont durables. « Nous devrions tirer parti de cette réputation. »
Si de nombreux projets d’infrastructures sont au programme dans les pays de l’ANASE, « les besoins dépassent de loin les fonds pour effectuer les travaux », commente‑t‑il, en ajoutant que l’approvisionnement est un processus qui exige, de la part des gouvernements, beaucoup de temps de planification et d’exécution des travaux dans la région. « Les entreprises doivent s’installer dans la région et envisager de participer à des projets à long terme. »
L’infrastructure en Asie est un sujet de conversation populaire ces derniers mois, notamment avec la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. Bien que le rôle que cette dernière sera appelée à jouer quant au défi de taille que présente cette région en matière d’infrastructures ne soit pas encore défini, la création de cette banque montre clairement l’intérêt mondial à l’égard de ce secteur.
Par ailleurs, M. O’Donnell explique que le gouvernement du Canada travaille à l’élaboration de stratégies qui pourraient aider les entreprises à obtenir des contrats liés aux infrastructures dans les pays de l’ANASE, comme une étroite collaboration avec des institutions financières internationales telles que la Banque asiatique de développement et la Banque mondiale, afin de découvrir les lieux et les projets dans lesquels elles prévoient investir et qui pourraient présenter des occasions à saisir. « Il ne faut pas attendre la publication d’un appel d’offres sur Internet, car à ce moment‑là, il sera probablement trop tard pour profiter de l’occasion », précise‑t‑il.
« Le Canada possède des compétences dans des domaines comme le développement d’infrastructures qui peuvent être mises à profit dans la région, surtout grâce à son expérience liée aux mécanismes d’exécution tels que les partenariats public‑privé (également connus sous le nom de P3 ou PPP) », explique Mark Romoff, président‑directeur général du Conseil canadien pour les partenariats public‑privé. Cet organisme national entretient des rapports avec tous les ordres de gouvernement pour favoriser un plus grand recours au modèle des PPP.
« Le Canada est reconnu à l’échelle mondiale pour son expérience très impressionnante dans le domaine », affirme M. Romoff, dont l’organisme cherche à promouvoir le modèle innovateur des PPP du Canada pour le développement des infrastructures, en particulier dans les marchés émergents. « Il s’agit d’une véritable occasion pour les entreprises canadiennes d’explorer au-delà de leurs frontières et d’exporter leur expertise dans des marchés où des projets de PPP vont de l’avant. »
Le Canada appuie plusieurs initiatives dans les pays de l’ANASE, y compris aux Philippines, en Indonésie, à Singapour et à l’échelle régionale. Ces projets aident les pays de l’ANASE à établir le cadre juridique et réglementaire nécessaire et à préparer des projets d’infrastructures en PPP viables sur le plan commercial qui attireront des soumissionnaires internationaux et un financement du secteur privé. M. Romoff affirme que, grâce à l’appui du Canada au groupe consultatif sur les PPP de l’APEC, les pays de l’ANASE ont la possibilité de rencontrer des spécialistes canadiens des PPP et d’en apprendre davantage sur les modèles canadiens des PPP qui sont aujourd’hui reconnus partout dans le monde comme étant les « meilleurs de leur catégorie ». Cette aide permet de s’assurer que les PPP sont établis en fonction d’un cadre solide dont les assises sont la concurrence, la transparence, l’équité et une bonne liste de projets susceptibles d’attirer la participation des entreprises canadiennes et de la communauté internationale dans son ensemble.
« Les Canadiens ne sont pas internationalistes par définition », souligne M. Romoff, en ajoutant que les exportateurs et les investisseurs se sentiront plus à l’aise d’étudier les occasions qui s’offrent dans les pays de l’ANASE si elles comportent le même niveau de rigueur et de discipline que dans leur pays. Il souligne par ailleurs l’importance pour les entreprises canadiennes de comprendre les marchés d’approvisionnement de l’ANASE et de trouver de bons partenaires locaux qui connaissent bien la culture et le cadre de réglementation de l’endroit en question.
Selon M. O’Donnell, bon nombre d’entreprises canadiennes du domaine de l’infrastructure ne sont pas au fait des occasions d’affaires dans les pays de l’ANASE et sont « absorbées » dans les projets de systèmes de transport, d’aéroports et d’autoroutes en cours ici, en Amérique du Nord. Il signale que ces entreprises devraient essayer de ne pas se concentrer uniquement sur les projets à proximité, qui pourraient être de courte durée, en laissant filer les occasions en Asie du Sud‑Est au profit des concurrents qui inondent la région, tels que ceux de l’Europe. « On ne peut pas se permettre de négliger l’ANASE. »
Il reconnaît que les entreprises ont souvent besoin de coffres bien garnis pour entreprendre des projets loin à l’étranger dans des environnements complexes, mais qu’en faisant preuve de patience et de persévérance, elles profiteront d’un rendement intéressant. Les PME peuvent s’associer à de plus grandes entreprises ou à des partenaires de l’ANASE. Elles sont également d’excellentes candidates pour la réalisation de travaux d’infrastructures dans les pays de l’ANASE, car elles offrent des solutions uniques telles que des technologies propres et des services de consultants et de professionnels « portant la marque canadienne ».
Selon Sean McDonnell, vice-président international de l’entreprise CPCS Transcom Ltée établie à Ottawa, les entreprises comme la sienne sont des « spécialistes de niche » dans la région. L’entreprise de services professionnels se spécialise dans les analyses de faisabilité et la planification des premières étapes des projets d’infrastructures, en mettant l’accent sur les projets dans les pays en développement comportant des PPP, et travaille actuellement sur différents projets en collaboration avec le PPP Center des Philippines.
M. McDonnell est d’avis qu’il y a de bonnes perspectives pour les PME dans les pays de l’ANASE, par exemple pour les firmes d’ingénierie dans les domaines spécialisés tels que la conception de chemins de fer, de ports et d’aéroports. « Il y a des occasions dans la région, mais il faut chercher pays par pays et secteur par secteur. »
Selon lui, l’ANASE est un marché en croissance. « Dans la plupart des cas, lorsqu’un pays s’enrichit, il construit plus d’infrastructures, fait-il remarquer. Dans cette région, il y aura de la demande pendant des décennies. Les villes canadiennes sont loin de se développer aussi rapidement que de nombreuses villes des pays en développement. »
Il prévient toutefois que ces pays sont encore, par leur nature, « pauvres en infrastructures », ce qui peut rendre frustrantes les activités dans ces endroits. Des villes comme Manille ont « très peu de transport en commun efficace, affirme‑t‑il. Les embouteillages sont tout à fait horribles. »
La région de l’ANASE présente par ailleurs d’autres défis, comme des complexités réglementaires, une culture fortement axée sur les relations, des marchés fragmentés ou une concurrence croissante. M. O’Donnell explique que la plupart des pays de l’ANASE se retrouvent malheureusement « bien en bas de la liste » des endroits où il est facile de faire des affaires, en raison de facteurs comme la gouvernance, la corruption et la violation de la propriété intellectuelle. Bien que les pays de la région prennent des mesures pour rationaliser et renforcer les lois et règlements, « ce n’est pas Toronto ou Montréal, c’est extrêmement différent », commente‑t‑il. Par conséquent, il est important pour les entreprises d’obtenir l’aide du SDC afin de « poser les questions difficiles » à l’avance. « Les entreprises doivent vraiment bien connaître la situation avant de prendre l’avion et de se rendre sur place. »
M. O’Donnell affirme qu’après avoir effectué ces recherches, il est important que les entreprises aillent visiter la région, pour ne pas perdre leur temps. Le SDC offre une excellente aide sur place, en ouvrant des portes et en aiguillant les entreprises vers des personnes à qui s’adresser. Les délégués commerciaux connaissent également les détails et les échéances du financement ainsi que les visions à long terme et les plans stratégiques pour les projets dans la région. Ces renseignements peuvent aider les entreprises qui se rendent dans la région pour un projet en particulier à y entreprendre d’autres projets.
« Nos délégués commerciaux sont des variables indispensables dans cette équation », reconnaît M. Romoff, en ajoutant que les entreprises doivent particulièrement investir du temps et des ressources, acquérir des compétences, former des partenariats avec des entreprises locales fiables et se rendre sur place.
« Vous ne pouvez pas attendre au Canada que les projets se concrétisent, ajoute‑t‑il. Si vous n’êtes pas là au départ, vous n’y serez pas à la fin. »
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