Conformité, conformité, conformité : un guide pour les entreprises canadiennes
Au cours des dernières années, les États-Unis ont ajouté un nombre croissant d'entreprises chinoises aux diverses listes de sanctions et d'entités liées au contrôle des exportations, et ont élargi leur interprétation en matière d'utilisateurs finaux militaires. À son tour, la Chine a accéléré l'introduction de multiples lois et règlements qui peuvent être interprétés comme des contre-mesures. Dans l'ensemble, on constate une augmentation des risques de conformité intergouvernementale pour les entreprises internationales et autres intervenants qui font des affaires avec des entités chinoises à travers un certain nombre de secteurs.
Sanctions des États-Unis et contrôles sur les exportations
Le Bureau of Industry and Security (BIS), qui fait partie du ministère du Commerce américain, s'occupe des questions de sécurité nationale et de haute technologie. La Liste des entités du BIS et la Liste des utilisateurs finaux militaires (Military End-User ou MEU) renseignent les exportateurs, ré-exportateurs et cédants du renforcement des contrôles à l'exportation appliqués aux entités figurant sur la liste.
La liste des entités
- Contient les noms d'entités chinoises et étrangères susceptibles d'être impliquées, ou de présenter un risque important d'être impliquées, dans des activités contraires aux intérêts des États-Unis en matière de sécurité nationale ou de politique étrangère
- Des licences d'exportation sont requises pour les marchandises et technologies commerciales contrôlées et typiquement non contrôlées; la politique d'examen est généralement traitée sur la base de la présomption de refus
- En date du 22 février 2021, la liste comprend plus de 340 entités chinoises pour une gamme de violations:
- avoir participé au vol de secrets commerciaux américains
- acquérir des articles d'origine américaine pour appuyer les programmes de l'Armée populaire de libération
- permettre des violations des droits de l'homme
- soutenir la militarisation et les revendications maritimes illégales dans la mer de Chine méridionale, etc.
La liste UFM
- Contient les noms d'entités chinoises et étrangères présentant un risque inacceptable d'utilisation ou de détournement à des 'fins militaires' ou 'd'utilisateurs finaux militaires'
- Les demandes de licence pour les articles figurant sur la « Liste des articles soumis à l'exigence de licence d'utilisation finale militaire ou d'utilisateurs finaux de 744.21 » du BIS sont traitées sur la base de la présomption de refus, et aucune exception à cette règle n'est possible.
- En date du 22 février 2021, la liste MEU comprend 58 entités chinoises (principalement des entreprises d'État et des instituts de recherche)
Liste des entreprises militaires communistes chinoises du ministère de la défense (la liste du DoD - department of defense)
En 2020, le ministère de la défense a commencé à dresser une liste intitulée « Sociétés militaires communistes chinoises » compilant des entités chinoises opérant directement ou indirectement aux États-Unis, en vertu de l'exigence légale de la section 1237 de la loi d'autorisation de la défense nationale pour l'année fiscale 1999. Lorsqu'une entité est inscrite sur la liste du ministère de la défense, les États-Unis peuvent imposer des sanctions de grande envergure à son égard, généralement par le biais d'un décret présidentiel. Les sanctions peuvent inclure:
- des restrictions sur les activités de citoyens Américains avec des personnes figurant sur la liste
- des exportations vers des parties désignées ou des territoires géographiques
- des transactions financières
- une interdiction de voyager vers les États-Unis.
En date du 14 janvier 2021, 44 entreprises chinoises figuraient sur la liste du DoD.
Le seul décret présidentiel relatif aux entités figurant sur la liste du DoD a été le décret n°13959 émis le 12 novembre 2020 (un décret n°13974 a été émis le 13 janvier 2021, modifiant certains éléments du décret n°13959). Le décret présidentiel interdit aux Américains d'acheter des titres cotés en bourse des entités figurant sur la liste du DoD.
Le 28 décembre 2020, le Bureau de contrôle des actifs étrangers (OFAC - Office of Foreign Assets Control) du Département du Trésor américain a publié des informations supplémentaires sur la mise en œuvre de l'EO 13959. L'administration Biden a mis à l'étude un certain nombre de décrets émis par l'administration Trump, dont ce dernier.
Sanctions chinoises et contrôle des exportations
La Chine est en train de mettre au point un ensemble complet de sanctions et de mesures de contrôle des exportations, prétendument pour sauvegarder la sécurité nationale, et sans doute pour répondre aux mesures du gouvernement américain que la Chine considère comme un moyen de freiner son développement.
Les trois mesures les plus pertinentes sont les suivantes:
La liste des entités non fiables
Publiées le 19 septembre 2020, les dispositions du ministère chinois du commerce (MOFCOM) sur la liste des entités non fiables (les dispositions) fournissent le cadre juridique et mécanisme de la liste des entités non fiables, une liste d'entités étrangères que la Chine considère comme ayant porté atteinte à sa sécurité ou à ses intérêts nationaux.
Les principaux articles des Dispositions sont les suivants:
- article 10 – Les entités figurant sur la liste qui ne prennent pas les mesures pour remédier aux lacunes peuvent se voir imposer des restrictions ou une interdiction de participer aux activités d'importation ou d'exportation liées à la Chine, aux investissements, aux voyages, à l'obtention de permis de travail, ainsi que des amendes pour risque, le gel des actifs et la détention physique
- article 11 - Pour chaque entité inscrite, le MOFCOM attribuera une date de correction par le biais d'une déclaration publique
- article 12 - Les entités chinoises devront obtenir l'approbation du Bureau des mécanismes de travail du MOFCOM pour effectuer des transactions avec les entités figurant sur la liste
Les règles détaillées sur le fonctionnement des dispositions, y compris les directives de mise en œuvre, ne sont pas encore publiées.
La loi sur le contrôle des exportations
Le 17 octobre 2020, la très attendue loi chinoise sur le contrôle des exportations (ECL - export control law) a été promulguée et est entrée en vigueur le 1er décembre 2020. Avant la promulgation de cette nouvelle loi, le régime chinois de contrôle des exportations était constitué de diverses lois, réglementations administratives et directives disparates (par exemple, la loi sur le commerce extérieur, la loi en matière de douane, etc.).
Les principales dispositions de la ECL sont les suivantes:
- article 2 – Exportations prévues: Le transfert au sein du pays d'informations ou de données relatives à une technologie contrôlée d'une entité chinoise vers une entité non chinoise nécessitera une licence d'exportation chinoise
- article 9 – Liste de contrôle des exportations et liste de contrôle temporaire: Outre la liste standard des biens et technologies contrôlés, la Chine peut également contrôler d'autres articles jugés essentiels pour la sécurité et les intérêts nationaux par le biais de la « liste de contrôle temporaire ».
- article 12 – Dispositions générales: La Chine peut également contrôler certains articles commerciaux ou moins sensibles en fonction de l'utilisation finale ou de l'utilisateur final pour des raisons de sécurité ou d'intérêts nationaux
- article 18 – Liste restreinte: S'il est nécessaire d'effectuer des transactions avec les entités étrangères figurant sur la « liste noire », les entités chinoises devront obtenir l'approbation du Département de l'Administration du contrôle des exportations de l'État en question.
- article 44 – Extraterritorialité: Les entités étrangères qui enfreignent la loi ECL sont légalement responsables même si elles se trouvent en dehors des territoires de la Chine
La nouvelle loi chinoise sur le contrôle des exportations peut avoir un impact négatif sur l'approvisionnement en biens intermédiaires et en technologies stratégiques en provenance de Chine, ainsi que sur les collaborations en matière de recherche et de développement entre des entités chinoises et étrangères.
Les règles de blocage
Le 9 janvier 2021, le MOFCOM a émis les Règles sur la lutte contre toute application extraterritoriale injustifiée de législations étrangères et autres mesures (les Règles de blocage), avec entrée en vigueur immédiate. Ces règles créent un système permettant de bloquer toute application extraterritoriale de lois et de mesures étrangères sur des citoyens, des entreprises et des organisations chinoises par des entités de pays tiers. Par exemple, les règles s'appliqueraient si une entreprise canadienne était perçue comme nuisant aux intérêts d'entités chinoises par des actions conformes aux sanctions américaines.
Les dispositions clés sont les suivantes:
- article 2 - Les règles sont introduites pour traiter de l'application extraterritoriale de lois et mesures étrangères qui interdisent ou limitent de manière injustifiée les entités chinoises à exercer des activités économiques et commerciales normales avec des entités d'États tiers
- article 5 - Les entités chinoises ont l'obligation de signaler les violations au MOFCOM dans un délai de 30 jours
- article 6 - Un mécanisme de travail dirigé par le MOFCOM évaluera si les lois et mesures étrangères signalées sont appliquées de manière injustifiée et extraterritoriale sur la base des lois internationales, des principes de base des relations internationales, et de l'impact potentiel sur l'intérêt national de la Chine, les droits légitimes des personnes chinoises, etc.
- article 7 - Lorsque le mécanisme de travail conclut à l'existence d'une application extraterritoriale injustifiée de lois et mesures étrangères, ils pourront émettre un ordre d'interdiction selon lequel les lois et mesures étrangères n'ont pas à être acceptées, exécutées ou observées
- article 8 - Si les entités chinoises décident de demander une dérogation à l'ordonnance d'interdiction, le MOFCOM est tenu d'examiner la demande de dérogation et de décider de l'approuver ou non dans un délai de 30 jours
- article 9 - Après que le MOFCOM a émis l'ordonnance d'interdiction, les entités chinoises peuvent intenter des poursuites devant les tribunaux chinois pour obtenir des compensations provenant des activités locales de l'entité du pays tiers.
Loi anti-sanctions étrangères
Avec l'adoption de la loi contre les sanctions étrangères, la Chine a ajouté à sa panoplie croissante de mesures destinées à contrer l'effet des mesures étrangères restreignant les activités des personnes chinoises. Alors que les règles de blocage adoptées en janvier 2021 couvrent les sanctions dites secondaires, la loi contre les sanctions étrangères comble une lacune en abordant les sanctions primaires et fournit une base législative sous-jacente pour les mesures disparates actuellement en vigueur (liste des entités non fiables, règles de blocage et loi sur les contrôles à l'exportation) et celles qui restent à venir.
La loi anti-sanctions ne modifie pas fondamentalement la capacité du gouvernement chinois à sanctionner des entités étrangères. En fait, la Chine l'a déjà fait dans le passé à l'encontre de trois fournisseurs militaires américains (d'une manière non spécifiée), ainsi qu'à l'encontre de personnes et d'organisations de l'UE et des É.-U.. La nouvelle loi introduit un dénominateur législatif commun aux différents outils de sanctions de la Chine. Elle laisse également une marge de manœuvre considérable - essentiellement en raison du manque de clarté des dispositions et de l'absence de règlements applicables - quant à la manière dont ces outils seront déployés.
Avec la montée des tensions géopolitiques, de nombreuses entreprises étrangères opérant en Chine risquent de se trouver coincées par les sanctions chinoises et celles de leur pays d'origine. Cela contribuera probablement à une bifurcation continue entre les chaînes d'approvisionnement et les opérations commerciales en Chine et dans le reste du monde pour de nombreuses entreprises internationales. Cette bifurcation ne doit toutefois pas être confondue avec un découplage dans le sens où l'ancienne administration Trump utilisait ce terme, puisque les enquêtes successives sur le climat des affaires indiquent que les entreprises étrangères n'ont pas l'intention de quitter la Chine - au contraire, nombre d'entre elles augmentent leurs investissements et leurs efforts pour intégrer les chaînes d'approvisionnement chinoises.
Pour plus d'informations sur la loi anti-sanctions étrangères, veuillez consulter les renseignements complémentaires.
Conformité, conformité, conformité.
Les entreprises canadiennes doivent se tenir informées des sanctions américaines et chinoises et des développements liés au contrôle des exportations et demander l'avis de professionnels de la conformité pour évaluer le risque d'exposition et les exigences de conformité afin de minimiser les risques opérationnels des entreprises et perturbations de la chaîne d'approvisionnement.